Randy Weston & Lisa Simone. Invoquer les ancêtres.

Randy Weston & Lisa Simone. Invoquer les ancêtres.

Randy Weston, Alex Blake, Neil Clarke TD Blue & Billy Harper     « Celui qui vient du pays des hommes noirs ». C’est ainsi qu’on nommait le gnaoua, cet esclave de l’Afrique subsaharienne déporté par les Arabes vers le Maghreb. Tout comme d’autres sur d’autre continent, les gnaouas - ou gnawas - ont emmené avec eux leur culture, et surtout leur rite d’adorcisme* - et la musique de transe qui l’accompagne - qu’ils transformeront pour assurer sa continuité et survivre dans ce nouveau monde musulman. « Celui qui survit, c’est celui qui s’adapte », dira Darwin. Transplanté dans une nouvelle terre, un arbre doit développer d’autres branches. En 1961, deux trentenaires Afro-Américains - Nina Simone et Randy Weston - voyagent avec d’autres musiciens vers cette Afrique ancestrale à la recherche de leurs racines, de la puissance d’une musique qu’ils pressentent primordiale dans leur quête artistique. A Tanger, Weston, le pianiste de Brooklin, se plonge dans cette musique gnawa, trouvant dans ce savant archaïsme le fondement d’un jazz hybride qui est sa marque de fabrique. Nina Simone quant à elle enracinera certainement plus profondément encore la conscience civique raciale qui sera le cœur de son engagement jusqu’à la fin. En recherche d’identité, nous sommes souvent  enclins à invoquer les Ancêtres, mais il faut une certaine maturité pour accepter vraiment cet héritage, non comme un vêtement mal taillé que l’on porterait par conviction - voire superstition - mais comme une sève profonde qui nous irrigue et se ré-oxygène à notre jeunesse. Pour Lisa Simone, le manteau était trop lourd à porter, et aujourd’hui encore, il semble juste apprivoisé. Mais le changement est en route....
Contrebasse Tribute n° 7

Contrebasse Tribute n° 7

Épisode 7, le 5 juillet 2016 : La fabrication du fond. Le fond et la table sont réalisés en Épicéa. Sur notre contrebasse

Contrebasse Tribute n° 6

Contrebasse Tribute n° 6

Episode 6, le 4 juin 2016 : La « forge » des éclisse. Petit à petit, l’éclisse prende sa forme. Il faut un aller-retour uincessant entre le moule et le poste de travail pour courber l’éclisse dans son galbe définitif, ajusté parfaitement.

Jacob Collier. Avatar & ubiquité.

Jacob Collier. Avatar & ubiquité.

Jacob Jacob Collier, Jacob Collier, Jacob Collier, Jacob Collier, Jacob Collier & Jacob Collier.   Beam s’est installé au milieu des autres étudiants. Un drôle d’engin au look d’aspirateur sans tuyau auquel on aurait greffé les bras d’une tondeuse. Sur l’écran qui sert de tête au petit droïde, le visage de Simon s’affiche. Grâce à lui, il peut suivre les cours de l’Ecole Centrale de Lyon depuis son lit d’hôpital où il se répare d’un grave accident de montagne. Simon réalise ici l’un de nos plus grands fantasmes: avoir le don d’ubiquité. En 2009, un autre accidenté, sur le grand écran, retrouvait l’usage de ses membres par technologie interposée. Jake Sully, marine paraplégique, ouvre les yeux dans la peau bleue de son Avatar et propulse le film de James Cameron vers le succès. Pour ceux qui se sont toujours demandé pourquoi les Na’vis avaient cette belle couleur des Schtroumf, il est utile de rappeler l’origine du mot avatar, un mot sanskrit qui veut dire « descente »- c’est à dire, dans la religion indoue, la réincarnation d’un dieu venu sur terre rétablir le dharma, l’équilibre perturbé par les démons. Le plus célèbre des avatars de Vishnu est très reconnaissable à la couleur de sa peau puisque Krishna veut dire » bleu-noir ». En projetant ces fiers et indigo écolos new-age en 3D, Cameron faisait par ailleurs entrer le grand public de plein pied dans la grande affaire du monde moderne, l’ubiquité. Nous lui avons donné un autre nom: la réalité virtuelle. Sur l’écran de mon ordinateur, le visage de Jacob Collier s’affiche en multiplex, chacun des huit visages de ce jeune prodige de...
Goran Bregovic. Mariages & Enterrements

Goran Bregovic. Mariages & Enterrements

Muharem Redzepi & Goran Bregovic   « Il faut absolument que nous préparions la célébration de nos funérailles. » C’est un refrain récurrent que nous échangeons, ma femme et moi, après nombre de cérémonies funéraires, tant il nous semble évident que les proches n’ont jamais le temps de s’en occuper au mieux, noyés dans l’urgence subite de l’évènement. A contrario, les mariages sont préparés pendant de longs mois. Rien n’est laissé au hasard. On réserve le DJ pour la soirée, voire un petit combo jazz pour l’apéritif, une chorale pour la messe. Pour peu que l’un des mariés fasse partie d’un orchestre ou d’un chœur, et c’est toute une troupe joyeuse qui vient adouber les mariés, comme pour ce mariage dans le Jura où j’étais engagé dernièrement comme reporter-dessinateur. Notre famille étant, elle aussi, largement pourvue de musiciens, c’est bien souvent l’occasion de jouer ensemble soit l’un des nombreux tubes de la musique religieuse, soit la pièce que l’un ou l’autre aura composée pour l’occasion. Cependant - et curieusement -  le répertoire du mariage est bien souvent limité à la sempiternelle Marche Nuptiale de Mendelssohn, quand la musique classique regorge de lamentos, requiems et autres pièces de tristesse, véritables chefs d’œuvre composés en prévision des funérailles des grands de la terre. Ainsi, il y a une grande différence, dans notre société, entre la façon dont nous appréhendons les deux cérémonies. La faute, je crois, à l’étiolement d’un sens du sacré qui rythmait autrefois les étapes de l’existence: naissance, mariage, mort. Il suffit pourtant d’interroger les traditions populaires de la Terre pour constater combien les différentes cultures ont enraciné la musique dans...
Contrebasse Tribute n° 5

Contrebasse Tribute n° 5

Episode 4, le 2 juillet 2016 : Les éclisses sont réalisées en acajou, essence généralement utilisée pour les guitares. Pour mettre en forme ces éclisses assez hautes

Contrebasse Tribute n° 4

Contrebasse Tribute n° 4

Episode 4, le 1er juillet 2016 : Les tasseaux sont ensuite travaillés pour épouser parfaitement la forme intérieure des éclisses

Pink Martini. Un pastiche, sinon rien.

Pink Martini. Un pastiche, sinon rien.

Thomas M.Lauderdale & Storm Large L’Internet m’a ouvert les portes d’une bibliothèque planétaire qui pallie fort heureusement mon ersatz de culture. Dans ce fourre-tout d’informations, on trouve de tout, du plus sérieux au plus loufoque, en passant par une quantité de gourous plus impressionnante encore que celle qui - dans les années 80 - s’étalait sur les cartes de visite, à la sortie du métro parisien. Si vous y cherchez la recette du Pink Martini, vous serez surpris par le nombre de propositions de ce cocktail, toutes présentées - évidemment - comme l’Authentique. Certains y verront  la variante du Vesper qu’invente James sous la plume de Ian Flemming dans « Casino Royale », d’autres ne jureront que par le vin-rosé-vodka-canneberge, avec ce soupçon d’inaccessible que procure toujours l’addition d’un ingrédient somme toute assez rare dans la panoplie de nos frigidaires. Vous y trouverez aussi des conjugaisons bon enfant, de Martini  et sirop de fraise - voire de grenadine - qui fleurissent les blogs à l’approche des barbecues de l’été aux côtés de l’incontournable rosé-pamplemousse. Il faut dire que ce nom est une réussite! Un alliage de classe et de kitch, de fraîcheur et de vintage relevé par ce soupçon d’ironie assez féminine qui nous pousse à porter un nœud papillon rose à un pince-fesse trop guindé. La canaille se plait toujours à singer la Haute. Le déguisement, c’est le bonheur du pastiche. Lorsque Thomas M.Lauderdale fonde le groupe Pink Martini, il y a plus de vingt ans, à Portland, il n’a d’autre ambition que de proposer une musique de bal qui pourrait plaire à tous les publics. Certains pourraient appeler ça...
Contrebasse Tribute n° 3

Contrebasse Tribute n° 3

Episode 3, le 30 juin 2016 : Le moule. A partir de dessin, on découpe deux panneaux épais qui vont supporter les tasseaux pendant toute la fabrication des éclisses (la partie courbe latérale de l’instrument). Les tasseaux sont collés sur les panneaux « à l’ancienne », à la colle de peau (nez sensibles s’abstenir).

Ibrahim Maalouf. Le tapis volant.

Ibrahim Maalouf. Le tapis volant.

Ibrahim Maalouf et les enfants de Vienne. Il y avait dans ma maison d’enfance un lieu magique entre tous, un monde à part que nous arpentions avec voracité, mon frère et moi, dans notre apprentissage de petits garçons. Au milieu de la salle à manger trônait, sombre comme un coffre au trésor, une grande table de chêne sur laquelle se faisaient les grands repas. Outre les panneaux coulissants qui cachaient sous l’épais plateau les couverts de fête, elle avait , reliant ses pieds à quelques centimètres du sol, une longue et large barre  sur laquelle nous glissions sans fin, tournant autour du meuble pour reprendre le départ comme les enfants rejoignent en courant l’échelle du toboggan. A plat ventre sur cette passerelle, nous survolions alors le tapis persan, nous délectant du vertige que nous causait ce monde fantasmagorique. Probablement, ce tapis n’avait de persan que le décor et n’était qu’un lointain ersatz des merveilles qu’Ispahan ou Kashan produisaient au XVIe siècle, mais nous avons passé de longues heures à pousser nos billes entre ses fleurons, déambulant dans ce jardin cosmique, transportés par notre seul bon vouloir aux quatre coins du monde, voire au-delà. Le tapis magique, que la Mythologie Perse attribue à un cadeau de la Reine de Saba au Roi Salomon, fait partie de ces personnages incontournables de notre imaginaire des Mille et Une Nuits. Avec lui, le héro se joue de l’apesanteur et parcourt le monde, protégé dans ce jardin symbolique qui voyage dans l’univers et le contient tout entier. Cet espace du rêve est le cadeau de l’enfance, l’espace du tout-est-possible qui nous fait grandir en...