Pink Martini. Un pastiche, sinon rien.

Pink Martini. Un pastiche, sinon rien.

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Thomas M.Lauderdale & Storm Large

L’Internet m’a ouvert les portes d’une bibliothèque planétaire qui pallie fort heureusement mon ersatz de culture. Dans ce fourre-tout d’informations, on trouve de tout, du plus sérieux au plus loufoque, en passant par une quantité de gourous plus impressionnante encore que celle qui - dans les années 80 - s’étalait sur les cartes de visite, à la sortie du métro parisien. Si vous y cherchez la r20160630-PinkMartiniStormeLargerecette du Pink Martini, vous serez surpris par le nombre de propositions de ce cocktail, toutes présentées - évidemment - comme l’Authentique. Certains y verront  la variante du Vesper qu’invente James sous la plume de Ian Flemming dans « Casino Royale », d’autres ne jureront que par le vin-rosé-vodka-canneberge, avec ce soupçon d’inaccessible que procure toujours l’addition d’un ingrédient somme toute assez rare dans la panoplie de nos frigidaires. Vous y trouverez aussi des conjugaisons bon enfant, de Martini  et sirop de fraise - voire de grenadine - qui fleurissent les blogs à l’approche des barbecues de l’été aux côtés de l’incontournable rosé-pamplemousse. Il faut dire que ce nom est une réussite! Un alliage de classe et de kitch, de fraîcheur et de vintage relevé par ce soupçon d’ironie assez féminine qui nous pousse à porter un nœud papillon rose à un pince-fesse trop guindé. La canaille se plait toujours à singer la Haute. Le déguisement, c’est le bonheur du pastiche.

Lorsque Thomas M.Lauderdale fonde le groupe Pink Martini, il y a plus de vingt ans, à Portland, il n’a d’autre ambition que de proposer une musique de bal qui pourrait plaire à tous les publics. Certains pourraient appeler ça de la paresse, avec ce même subtil mépris qui fait froncer les narines des critiques de Cannes devant une affiche grand public. D’autres invoqueront plutôt le génie populaire qui excelle à faire du bon avec pas grand chose. Pour ce qui est de la paresse, le groupe cosmopolite semble l’assumer, au moins en apparence, avec son titre « Sympathique » qui inonda la planète du mantra très carpe diem « je ne veux pas travailler », avec le même succès que le « don’t worry, be happy » d’un certain r20160630-PinkMartiniTimotyNishimotoBobby McFerrin en 1988. Mais la paresse n’est qu’apparente. Il y a chez ces trublions un soin extrême apporté au pastiche, une exigence généreuse dans la reconstitution, un hommage à la fraicheur désuète des dancings de palace qui n’a rien perdu de son charme. Rumba latine, swing jazzy, toute une panoplie très cinéphile de gangster chic ciselée avec gourmandise par un orchestre irréprochable, autour de l’incontournable diva glamour - Storm Large - à la hauteur de la fantasmagorique Jessica Rabbit*. Probablement, les puristes de jazz ont fait grise mine, et je ne saurais leur en vouloir. Mais il y aurait mauvaise grâce à ne pas en trouver dans cette musique intemporelle relookée avec talent, capable de donner la banane avec élégance. Fors l’honneur des élites, les œufs de lump remplacent volontiers le caviar pour les petites poches et je ne suis pas sûr que tout le public d’hier serait allé croiser la grande musique. La Haute aussi, s’encanaille par coquetterie, et d’aucun cultive sans vergogne son petit Trianon sans qu’on y trouve à redire. Dans le cocktail, la couleur a son importance, et la poésie dithyrambique du nom. Ce qui n’empêche les irréductibles de s’accrocher au sacro-saint Ricard. Dans cette belle soirée de musique festive, Pink Martini ne fait pas de distinguo et alimente le bar avec le sourire. Un pastiche, sinon rien!

 

*Jessica Rabbit: la créature qui sert de femme au lapin toon, dans le film « Qui veut la peau de Roger Rabbit » de Robert Zemeckis en 1988. « Vous ne savez pas comme c’est dur d’être une femme qui a mon physique ». (Jessica Rabbit à Eddie Valiant)

r20160630-PinkMartiniKyleMustainNicholasCrosaKyle Mustain & Nicholas Crosa