Selwyn Birchwood. Musique & silence.

Selwyn Birchwood. Musique & silence.

 

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Selwyn Birchwood.

 

Il y eut un blanc. Et puis plus rien.

13 juillet. La All Night Jazz bat son plein. Après la traditionnelle prestation des lauréats du tremplin de l’année dernière - les Nox.3 - la belle Robin McKelle avait chauffé le théâtre avec une prestation plus pop que jazz, tout à fait à propos avec les impératifs d’une nuit blanche. Faada Freddy avait répondu présent avec son spectacle de vocal & percussions corporelles customisées, une lointaine image de la poésie première de son art. Dans la fosse, la foule exulte. A défaut d’être complètement convaincu, je bricole mon dernier dessin en attendant de rejoindre au point presse le traditionnel casse-croûte des photographes. Délices de terrines - merci Marion - bouteilles fines, sourires complices et amis, photo souvenir. Une bise à l’ami Daniel, en apprentissage de résilience. Et puis, plus rien.

Un blast intérieur, un burn out silencieux. Je quitte le point presse sans bruit. Appelle Joëlle: « J’ai fini ». Quelques pas dans un décor de bitume et de pierre. La douceur incongrue du banc de l’abribus. Joëlle est là, qui a lâché son travail pour venir me chercher, comme prévu. Plus tôt peut-être. La 308 remonte sur la corniche, glissant dans les chemins tortueux des Hauts de Vienne. Les échos du théâtre nous parviennent au détour d’un virage. Kamasi Washington a dû commencer son concert. LE concert du festival; nos amis québécois doivent se régaler.

Le silence est venu me chercher. Comme un besoin de musique, l’impérieux du blanc sur une toile bavarde.

14 juillet. Il aura fallu le piano de Jérôme, entre pluie et soleil, l’invitation de Valérie « Tu ne peins pas? » pour que je laisse ma main me sauver, esquisser d’un trait noir hésitant les traits de mes amis en réponse au  sillage d’un 19 tonnes  dans la chair meuble de l’humanité. La musique de Misc sait donner le silence. Elle gronde, virevolte, s’envole, bondit de l’un à l’autre, s’enflamme dans les cuivres de l’été indien ou se gerce dans les glaces du St Laurent. Mais elle sait faire silence. Tout comme le blues de Selwyn Birchwood.

15 juillet. Selwyn, c’est le feu, le nouveau Jimmy Hendricks, un jeu de guitare fantastique et une voix grillée, cette merveille de déchirure velours qui appelle les racines et se joue de nos cuirasses. Au milieu de son blues vigoureux et festif, il y a ce silence soudain. Un espace-temps hors du temps, une césure vertigineuse. Il chante, sans bruit. Le vrombissement de la scène a cessé. Peut-être est-il toujours là, je ne sais, mais il chante. Et sa voix raconte une histoire que je ne comprends pas, mais qui rejoint la couleur de la Terre et du sillon qui s’est ouvert à Nice. Il est à quelques pas, au-dessus du crash-barrière, ancré dans ce blues-mère, ce terreau d’un jazz parfois déconcertant qu’aspirent les sirènes de la gloire. Et mes joues se mouillent doucement, parce que la musique m’avait quitté sans prévenir et qu’elle m’était rendue. Les artistes ont ce pouvoir de mettre la Terre en musique. Peu savent aussi offrir le silence.

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Curtis Nutall, Regi Oliver Baritone, Selwyn Birchwood & Donald Huff Wright