L’Amazing Keystone Big Band. En attendant Django.

L’Amazing Keystone Big Band. En attendant Django.

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L’Amazing Keystone Big Band, Stochelo Rosenberg & Marian Badoï.

 

Nous avons nos Messies. Django est incontestablement celui du jazz - et du peuple - manouche. Fort heureusement pour nous, les Manouches n’accaparent jamais un héritage. Lorsque l’un d’entre eux décède, on brûle ses affaires pour accentuer le manque*… exception faîte de Django! Et si le manque de Django est si puissamment  fertile, c’est bien parce qu’il est un Messie et non une idole. Son œuvre n’est pas un aboutissement, c’est un chemin. Un chemin compagnon choisi par une foultitude d’héritiers - Angelo Debarre & Marius Apostol qui ouvraient la soirée en sont - qui perpétuent la vitalité de son absence et portent au monde du jazz sa bonne parole. Avec l’éternelle question que pose la multiplication des prédicateurs: n’y en a-t-il pas qui déforment le propos? Que dirait Django s’il revenait?

Rien d’étonnant que le pétulant Amazing Keystone Big Band prenne lui aussi la route. En quelques années, cet orchestre trublion s’est imposé comme une référence de l’adaptation - Pierre et le Loup, le Carnaval des Animaux . Mais plutôt que d’adaptation il serait plus juste de parler ici d’exégèse tant le travail de Bastien Ballaz, Jon Boutellier, Fred Nardin et David Enhco dépasse le simple relookage.  Très intelligemment, ils sont allés à l’esprit plus qu’à la lettre, faisant appel pour celle-ci aux Prophètes du genre, le guitariste Stochelo Rosenberg et l’accordéoniste Marian Badoï. Mais pour que la greffe prenne, le porte-greffe doit être sain, solide, et s’adapter avec aisance; toutes qualités que possède le Keystone BB. Plus encore, il permet par une polymorphie remarquable de faire fleurir d’autres couleurs, de créer d’autres hybrides qui gardent sans aucun doute le parfum subtil et puissant du donneur. Swing sur Djangology, bop sur Flêche d’Or, voire carrément free sur Rythme Futur avec un invité de marque, le saxophoniste James Carter, parfait dans ce casting improbable. Jamais, dans cet exercice de style, le thème ne semble réduit au prétexte. Toujours, la force narrative de Django surgit, ronfle, effleure, charme, enchante, stupéfie. Boulou Ferré dit des guitaristes manouches qu’ils ne jouent pas comme Django mais pour Django. Si le Messie Django revenait, il pourrait constater que son arbre s’est enrichi. En attendant, il faut veiller à nourrir son héritage avec la générosité qui sied.  L’Amazing Keystone Big Band s’y emploie.

*Bruno Pfeiffer. Libération du 19 janvier 2010.


 

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 Tchavolo Hassan, Ranggy Debarre, William Brunard, Angelo Debarre & Marius Apostol